European Green Deal ou Pacte Vert pour l’Europe : de quoi s’agit-il ? Tour d’horizon dans cet article de cette nouvelle politique climatique : objectifs, stratégie et obstacles, on vous dit tout !
Quels sont les objectifs du pacte vert ?
Pour relever le défi de la transition écologique, l’Union européenne présente le pacte vert (ou European Green Deal), un plan climatique dont l’objectif est de rendre l’économie européenne moderne, compétitive et en accord avec les enjeux environnementaux. Pour cela, le green deal se veut ambitieux et socialement juste, à travers les objectifs suivants :
- Devenir le premier continent neutre d’un point de vue climatique en 2050 (avec comme cible intermédiaire la réduction de 55% des émissions de GES en 2030 par rapport aux niveaux de 1990).
- Assurer une croissance économique “dissociée de l’utilisation des ressources”.
- Assurer une transition équitable en “ne laissant personne de côté”.
Afin d’inciter et obliger les structures européennes (privées et publiques) à évoluer en ce sens, le Green Deal établit un cadre législatif contraignant, dont le déploiement progressif vise à atteindre les objectifs d’ici 2050 à travers :
- la mise à jour de certaines réglementations.
- l’instauration de nouvelles mesures parmis lesquelles nous trouverons la CSRD pour les reportings extra-financiers ou encore la CSDDD sur le devoir de vigilance.
Tous les secteurs économiques du marché européen sont couverts par le pacte, parmi lesquels : les transports, l'énergie, l'agriculture, les bâtiments et les industries telles que l'acier, le ciment, le textile et les produits chimiques ou encore la finance.
Pourquoi le green deal européen ?
Pour replacer le Green Deal dans son contexte, retour sur les dates clés de cette politique européenne :
- 1997 : COP3, le protocole de Kyoto est signé.Les engagements ? Réduire les émissions de six gaz à effet de serre de 5% entre 2008 et 2012, par rapport à 1990Entrée en vigueur : 2005.
- 2015 : COP21, l’Accord de Paris est signé.Les objectifs fixés ? Maintenir l’élévation de la température moyenne de la planète bien en dessous des 2°C par rapport à l’ère préindustrielle, si possible à 1,5°C. Il vise aussi à atteindre des émissions nettes nulles à l’échelle mondiale pour la seconde moitié du XIXè siècle.La mise en pratique : chaque pays doit rendre compte tous les 5 ans des mesures mises en place pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, avec l’obligation de présenter des actions de plus en plus ambitieuses d’un cycle à l’autre.
- 2019 : Ursula von der Leyen est élue présidente de la Commission européenne par le Parlement européen. Ses engagements ? Assurer un mandat axé sur la transition environnementale. La mise en pratique : avant la fin de l’année, en novembre 2019, le Parlement européen décrète l’état d’urgence climatique.
C’est dans la continuité de ces évènements que la Commission européenne officialise le pacte vert européen (ou European Green Deal) en décembre 2019. Ce pacte européen, promis par Ursula von der Leyen lors de sa campagne, dévoile des objectifs climatiques et un calendrier ambitieux. Il vise à fixer un cadre législatif contraignant pour l’Europe, en vue de respecter les Accords de Paris.
Qui finance l'european green deal ?
Pour financer cette transition verte qui couvre l’ensemble des secteurs économiques, l’UE prévoit un investissement à hauteur de 1 000 milliards d’euros. Afin de mobiliser un tel budget, l’Union Européenne souhaite faciliter les investissements publics (budgets de l’UE et des pays membres) mais aussi privés dans le cadre de son Green Deal, à l’aide d’une législation et une taxonomie attractive pour les projets liés au développement durable. Pour l’heure, la décomposition du financement du Green Deal est la suivante :
- Budget de l’UE : 503 milliards d’euros,
- Fonds InvestEU : 279 milliards d’euros (fonds lancé en 2021 pour stimuler l’investissement en Europe) ,
- Fonds du SEQE : 25 milliards d’euros (système d’échanges et de quotas d’émissions de carbone, marché carbone européen),
- Fonds pour une transition juste : 100 milliards d’euros (fonds destinés à soutenir les territoires vulnérables d’un point de vue socio-économique face à la transition écologique),
- Co-financements nationaux : 114 milliards d’euros.
Par ailleurs, afin de verdir la finance européenne et faire profiter la transition européenne de nouveaux fonds, l’UE a présenté un plan d’action en 2018 sur la "taxonomie européenne". Elle entre en vigueur partiellement en 2022 puis complètement en 2023.
Celle-ci, ainsi que la réglementation SFDR, un autre pilier du Green Deal, visent à orienter les investissements vers des activités bas carbone et en phase avec la transition écologique.
Quelle est la stratégie de croissance du Green Deal européen ?
La stratégie européenne pour le climat se découpe sur l’ensemble des secteurs. Petit récapitulatif non exhaustif sur les mesures de ce pacte vert pour l'Europe.
Industries : Stratégie industrielle pour une économie propre et circulaire
« Pour parvenir à la neutralité climatique d'ici à 2050, préserver notre environnement naturel et renforcer notre compétitivité économique, notre économie doit être totalement circulaire. Aujourd'hui, elle est encore essentiellement linéaire, puisque 12 % seulement des matières et des ressources secondaires y sont réintroduites. » - M. Frans Timmermans, vice-président exécutif chargé du Green Deal
Afin de se rediriger vers un modèle soutenable, l’Europe mise sur une économie circulaire, qui se traduit par la mise en oeuvre des actions suivantes :
- Rendre les produits plus durables dans l’UE, en faire une norme : réparabilité (ajout d’indices à destination des consommateurs), réutilisation, recyclage.
- Réduire les déchets :
- Valorisation des déchets sous forme de ressources de seconde main (par exemple dans le bâtiment, dans la fabrication de batterie, dans le textile de seconde main, …),
- Suppression des objets à usage unique, remplacement du plastique par des matériaux biodégradables.
Transports : Mobilité durable et intelligente
Aujourd’hui, 25% des émissions de gaz à effet de serre de l’UE proviennent des transports. Afin de respecter la trajectoire de réduction des émissions de GES voulue, l’Europe se donne comme objectif une diminution de 90% des émissions liées aux transports.
Par quel moyen ? En promouvant le train, qui est à lui seul responsable de seulement 0,5% des émissions de gaz à effet de serre liées aux déplacements, dans le but de remplacer progressivement les modes de transports carbonés (avion, voiture, transport routier… ). Cela se traduit par les ambitions suivantes :
- Suppression des droits de polluer pour les compagnies aériennes (droits alloués via le SEQE actuellement, système qui sera remplacé progressivement par la MACF, la taxe carbone aux frontières),
- Fin de la vente des voitures thermiques en 2035,
- Développement d’un réseau central de transports européen ferré et libéralisation du réseau :
- Promouvoir le train pour les trajets de moins de 500 km, et le train de nuit au delà,
- Connecting Europe Express : Augmenter l'interopérabilité entre les réseaux européens existants, c’est-à-dire assurer le transfert entre 3 types de rails (il y a à ce jour 3 espacements de rails existants en Europe),
- Développer la mobilité douce en milieu urbain.
Énergie : De l'énergie propre, abordable et sûre
72 % de l’énergie primaire européenne est d’origine fossile. La transition énergétique envisagée par l’UE repose sur la substitution de ces ressources par des énergies décarbonées et sur des politiques de sobriété/efficacité énergétiques. Parmi les objectifs définis :
- Rendre le système énergétique plus circulaire : par exemple récupérer la chaleur perdue par les usines pour le chauffage des maisons aux alentours.
- Augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen : passer de 22% en 2018 à 40% d’énergies vertes d’ici à 2030, 84% d’ici 2050
- Notamment en exploitant 3% de l’espace maritime disponible pour le l’éolien offshore : passage d’une capacité de production actuelle de 12 GW à 60 GW en 2030, et 300 GW en 2050,
- Augmenter la part de l’hydrogène vert dans le mix énergétique européen (aujourd’hui, il constitue 2% de la consommation énergétique européenne).
- Gagner en efficacité énergétique (par exemple via l’isolation des bâtiments notamment) : l’UE s’est fixé comme objectif de réduire de 1,5 % sa consommation finale d'énergie chaque année entre 2024 et 2030,
- Électrifier les usages, l’électricité étant une énergie secondaire pouvant être “propre” (par exemple l'empreinte carbone d'un voiture électrique est généralement plus réduite que celle d'une voiture thermique)
Agriculture : De la ferme à la table
L'agriculture contribuait à 10,3 % des émissions de GES de l’Union Européenne en 2019 (Eurostat). La stratégie européenne concernant le secteur, sous le nom “De la ferme à la table” (ou Farm to Fork en anglais) fixe plusieurs objectifs :
- Assurer une sécurité alimentaire, dans le respect des limites planétaires,
- Assurer un accès à des aliments sains et promouvoir une consommation durable,
- Réduire l’appauvrissement de la biodiversité (pesticides),
- Augmenter la part de l’agriculture biologique de 8,5% en 2019 à 25% en 2030,
- Réduire de 50% l’utilisation des pesticide d’ici à 2030,
- Réduire de 20% les engrais chimiques.
Biodiversité : Préservation et protection de la biodiversité
Selon les estimations du World Ressource Institute, entre 150 et 200 espèces sauvages disparaissent chaque jour. Afin d’endiguer cette chute de la biodiversité et préserver l’équilibre des écosystèmes actuels, l’UE prévoit :
- Élargissement des zones protégées (Natura 2000) à au moins 30 % de la superficie terrestre et de la superficie marine de l'UE,
- Réduction des pesticides (cf paragraphe sur l’agriculture),
- Affectation d’un budget important dans le suivi et la mesure des progrès des actions en place pour la biodiversité,
- Plantation de trois milliards d'arbres à travers l'Europe d'ici 2030.
Impact social : mécanisme pour une transition juste
Afin de ne “laisser personne de côté”, la transition écologique européenne est dotée d’un fond destiné aux entités les plus vulnérables. Il s’agit de 5 milliards d’euros sur la période 2021-2027 mobilisés par le Fonds pour une transition juste. Pourront en bénéficier :
- Les citoyens : pour accéder à une re-qualification vers des métiers portant sur des secteurs moins carbonés, les aider à la transition énergétique et l’efficacité énergétique (isolation des habitations),
- Les entreprises : afin d’investir dans des technologies plus vertes, attirer les investisseurs.
- Les régions : pour soutenir cette transition et créer de l’emploi dans l’économie verte.
Comment atteindre la neutralité carbone ? Fit for 55 !
Parmi les éléments cités plus haut, certains figurent dans le paquet climat “Fit for 55” dévoilé le 14 juillet 2021, dont les modalités sont et seront discutées pendant deux ans. Cet ensemble de textes législatifs visent à contraindre les États membres à réduire leurs émissions de carbone et/ou à développer la capture des GES. Il regroupe 12 mesures pour mener l’Europe vers la neutralité climatique d’ici à 2050. Parmi celles-ci (non exhaustif) :
- Mise à jour des réglementations du système d'échange de quotas d'émissions de l'UE :
- Extension à davantage de secteurs,
- Remplacement progressif des titres d’allocation gratuits aux industries les plus polluantes par le mécanisme d’ajustement du carbone aux frontières,
- Augmentation des puits de carbone : reforestation avec la plantation de 3 milliards d’arbres,
- Révision à la hausse de l’ambition fixée sur les énergies renouvelables,
- Taxe sur le kérosène des vols intra-européens,
- Fin de vente des véhicules thermique en 2035,
- Taxer les carburants les plus denses en carbone et rediriger l’usage vers des carburants plus durables, par exemple dans l’aviation et le transport maritime.
Les difficultés de l'european green deal
Le chantier pour un continent neutre d’un point de vue climatique en 2050 est colossal, l’Europe se place pionnière sur le sujet et c’est très encourageant. De plus, ce Green Deal ouvre la voix à une hausse des normes internationales sur les sujets environnementaux en incitant les partenaires à s’aligner aux ambitions européennes. Il s’agit également d’une opportunité pour l’Europe de relancer son économie et de pouvoir exporter à l’international un modèle soutenable d’un point de vue environnemental.
S’il est très encourageant, la mise en place de telles mesures dans le temps imparti relève cependant d’un défi important. En cause, le nombre et de la diversité des acteurs impliqués.
Inégalités dans le mix énergétique de départ
Au sein de l’UE, les États membres sont divisés. Sur le sujet de la transition énergétique, les pays partent inégalitaires avec par exemple la Pologne dont les ressources énergétiques reposent à 70% sur le charbon ou encore l’Allemagne dont la majorité de l’énergie est encore d’origine fossile. Cette division se reporte dans la négociation des textes législatifs, souvent revus à la baisse en termes d’ambition, voire dans le refus de le signer le green deal (pour la Pologne).
Inégalités socio-économiques : assurer une transition verte qui “ne laisse personne de côté”
D’un point de vue social également, il faudra veiller à ce que la transition soit juste pour les ménages les plus vulnérables face à une éventuelle montée des prix : rénovation des bâtiments, prix de l’alimentation (bio et durable), accès à l’énergie (chauffage, mobilité)… Il est possible de voir des mouvements sociaux se lever à travers l’Europe, comme par exemple celui des gilets jaunes en France, si les ménages se sont pas accompagnés correctement dans cette transition environnementale.
Discussion houleuses avec les lobbys
Enfin, sur tous les secteurs, les manoeuvres des lobbys risquent de faire réviser à la baisse les objectifs premiers fixés par l’Union Européenne et de retarder leurs mises en oeuvre. Leur premier argument étant l’exposition à une concurrence internationale rude, il sera nécessaire de tenir les négociations pour soutenir un pacte européen à la hauteur des enjeux environnementaux actuels.
Les dates du Green Deal
Ce qui se passe est historique pour le continent européen, espérons que les discussions permettent à l’UE de maintenir le cap sur la voix de la décarbonation et de la préservation des écosystèmes ! Petite frise mémo pour se rappeler des dates clés passées et de la suite.
Ressources :
- 1000 milliards d’euros pour le pacte vert
- The European Green Deal Investment Plan and Just Transition Mechanism explained
- Farm to Fork strategy
- Biodiversity strategy
- Energy and Green Deal
- Pacte vert et paquet climat : l'UE vise la neutralité carbone dès 2050